Et si on se traitait comme un ami qui nous est cher?
Optania
Dans mon dernier billet (La pandémie en tant qu’étudiante), j’avais abordé en surface ce qu’était l’autocompassion, donc il est possible qu’il y ait deux ou trois répétitions, mais j’avais envie d’y revenir pour approfondir ce sujet qui me passionne tant et que j’avais seulement frôlé.
L’autocompassion, c’est vraiment une approche et une façon de voir la vie empreinte de douceur. D’ailleurs, Ali, notre robot conversationnel, est teinté de celle-ci. Je me suis donc dit que ça pourrait être intéressant de bien vous expliquer c’est quoi, à quoi ça sert et comment ça se développe!
L’autocompassion, c’est quoi?
« We are not alone in our imperfection » - Christopher Germer et Kristin D. Neff (2013)
Nous ne sommes pas seuls dans notre imperfection [traduction libre] comme le disent si bien Christopher Germer et Kristin D. Neff (2013), deux psychologues et pionniers de l’autocompassion en Amérique du Nord. Cette phrase résonne en moi, car elle représente bien ce qui est au cœur de l’autocompassion et qu’elle transporte beaucoup de bienveillance dans ce monde si exigeant.
Maintenant, vous devez vous demander c’est quoi, plus précisément, l’autocompassion? Pour résumer, c’est d’adopter une attitude de compassion envers soi. Assez logique finalement! Et la compassion, c’est quoi? C’est de prendre conscience de la souffrance des autres et de leur souhaiter sincèrement qu’ils soient soulagés de celle-ci. Alors l’autocompassion, par déduction, c’est de prendre conscience de notre souffrance, sans jugement, et de nous souhaiter avec douceur que celle-ci s’atténue. Pour bien comprendre c’est quoi, il est aussi possible d’aller plus loin dans la théorie en décomposant l’autocompassion. En fait, Germer et Neff (2013) nous l’expliquent bien. D’ailleurs, Ali, en s’inspirant d’eux, l’explique très bien aussi! L’autocompassion comprend trois composantes : la bienveillance envers soi, la pleine conscience et l’humanité commune. La bienveillance envers soi, c’est d’être doux et compréhensif envers soi-même lorsque l’on rencontre une difficulté, un échec ou que l’on se sent inadéquat, au lieu d’être critique. L’humanité commune, c’est de comprendre et de se rappeler que chaque être humain traverse des moments de souffrance et que tout le monde fait des erreurs dans la vie, au lieu de s’isoler. La pleine conscience, quant à elle, c’est d'accueillir le moment présent sans jugement et sans modifier ce qui se passe pour nous. C’est de laisser aller et venir nos émotions et nos pensées, sans les éviter.
Les bienfaits de l’autocompassion
Je pense que de laisser une place à l’autocompassion dans sa vie peut amener un réel changement dans notre manière de voir les choses et de surmonter autant les petites que les grandes épreuves. D’ailleurs, il n’y a pas que moi qui le pense. En effet, une revue de la littérature scientifique, effectuée par Barnard et Curry (2011), rapporte un grand nombre d’études qui démontrent des corrélations entre l’autocompassion et une bonne santé mentale. Entre autres, l’autocompassion serait liée à une humeur et à des émotions positives (Leary et al., 2007; Neff et al., 2007; Neff & Vonk, 2009) ainsi qu’au bien-être en général (Neely et al., 2009). Des études démontrent aussi que plus on est autocompatissant, plus il y a de chances qu’on ne procrastine pas et qu’on évite des comportements perfectionnistes inadaptés (Williams et al., 2008). Ça me fait penser que ce serait sûrement bien pour les étudiants qui vivent de l’anxiété de performance. J’en fais partie et l’autocompassion adoucit ma réalité quotidienne. Un haut niveau d’autocompassion serait aussi directement relié avec le fait de bien percevoir ses compétences et d’être résilient face à l’échec (Leary et al., 2007; Neff et al., 2005). On peut penser que pour l’estime de soi, ça ne ferait pas de mal!
Choisir d’être l’ami compatissant
Pour être sûre et certaine que le lien entre l’autocompassion et les bienfaits que ça peut avoir pour nous est clair, je vous partage un exemple. D’abord, il faut savoir que la compassion a un grand rôle à jouer dans le fait que ça aide de se confier à quelqu’un. Une personne compatissante prend profondément conscience de la souffrance que l’on ressent, sans jugement, en souhaitant tellement nous soulager. Cette bienveillance fait en sorte que c’est aidant de se confier. Sans cela, on se sentirait encore moins bien. Alors, imaginons qu’on ne va pas bien et qu’on se confie à une personne qui nous critique, nous fait sentir comme anormal et seul dans notre souffrance, nous dit d’arrêter de nous plaindre… On risque de se sentir bien pire après. Maintenant, imaginons cette situation, mais avec l’autocompassion au lieu de la compassion. Et bien, vous avez le choix, dans un moment où vous allez moins bien, de vous taper encore plus sur la tête, d’essayer d’éviter d’y penser, de vous critiquer et de vous isoler. Vous avez aussi le choix d’être bienveillant envers vous en vivant vos émotions dans le moment et en vous souhaitant que cela passe bientôt. Le premier choix, c’est d’être l’ami qui vous juge et le deuxième choix, c’est d’être l’ami compatissant. Alors, pourquoi ne pas tenter d’agir comme l’ami compatissant envers soi-même? On risque de se sentir bien mieux que si on agissait comme l’ami qui juge, non?
Comment développer l’autocompassion
Si je vous ai enfin convaincu que l'autocompassion est un « must », vous devez vous demander: comment ça se développe? En fait, il y a tout plein de façons d’être plus compatissant envers soi. La manière la plus concrète est la pratique de méditation de pleine conscience avec autocompassion. Il y en a une grande variété comme la respiration consciente, la méditation donner et recevoir, la respiration affectueuse, le scan corporel compatissant, etc. Vous pouvez trouver des pratiques de méditation facilement sur Internet comme sur le site d’autocompassion Montréal.
Ensuite, elle se développe aussi par des pratiques informelles dans la vie de tous les jours comme en pratiquant le toucher apaisant, la marche en pleine conscience, l’écriture autocompatissante, etc. Peut-être que ça ne vous dit rien… Je vous explique, en exemple, ce qu’est le toucher compatissant. Kristin Neff (2022) explique sur son site web qu’il s’agit de se toucher de manière bienveillante lorsque l’on vit un moment difficile. Il faut choisir un endroit qui nous fait du bien. Ça peut être de déposer sa main sur sa poitrine près de son cœur ou de s’enlacer en se croisant les bras. Il est possible de faire des petits cercles ou de se caresser doucement. Ce genre de toucher permet de libérer des hormones comme l’ocytocine qui amène un sentiment de sécurité, calme les émotions envahissantes et relaxe le système cardiovasculaire (Neff, 2022). Vous trouverez d’autres exercices détaillés sur son site web inscrit dans les références.
Il ne demeure que le premier pas que vous pouvez faire vers l’intégration de l’autocompassion dans votre vie, c’est de vous informer, de lire à ce sujet et de travailler sur vos pensées pour remplacer votre petite voix critique pour une voix compatissante, bienveillante et accueillante.
Noémie Yacola
Candidate au doctorat en psychologie clinique - secteur clinique
Références
- Barnard, L. K., & Curry, J. F. ( 2011 ). Self-compassion: Conceptualizations, correlates, & interventions. Review of General Psychology, 15, 289 – 303.
- Germer, C. K., & Neff, K. D. (2013). Self-compassion in clinical practice: self-compassion. Journal of Clinical Psychology, 69(8), 856–867. //doi.org/10.1002/jclp.22021
- Leary, M. R., Tate, E. B., Adams, C. E., Batts Allen, A., & Hancock, J. (2007). Self-compassion and reactions to unpleasant self-relevant events: The implications of treating oneself kindly. Journal of Person- ality and Social Psychology, 92, 887–904. doi:10.1037/0022- 3514.92.5.887
- MacBeth, A., & Gumley, A. ( 2012 ). Exploring compassion: A meta‐analysis of the association between self‐compassion & psychopathology. Clinical Psychology Review, 32, 545 – 552.
- Neely, M. E., Schallert, D. L., Mohammed, S. S., Roberts, R. M., & Chen, Y.-J. (2009). Self-kindness when facing stress: The role of self- compassion, goal regulation, and support in college students’ well-being. Motivation and Emotion, 33, 88–97. doi:10.1007/s11031-008-9119-8
- Neff, K. D. (2022). Exercice 4 : Supportive touch. Self-Compassion. //self-compassion.org/exercise-4-supportive-touch/
- Neff, K., Hsieh, Y., & Dejitterat, K. (2005). Self-compassion, achievement goals, and coping with academic failure. Self and Identity, 4, 263–287. doi:10.1080/13576500444000317
- Neff, K., Rude, S., & Kirkpatrick, K. (2007). An examination of self- compassion in relation to positive psychological functioning and per- sonality traits. Journal of Research in Personality, 41, 908–916. doi: 10.1016/j.jrp.2006.08.002
- Neff, K., & Vonk, R. (2009). Self-compassion versus global self-esteem: Two different ways of relating to oneself. Journal of Personality, 77, 23–50. doi:10.1111/j.1467-6494.2008.00537.x
- Williams, J. G., Stark, S. K., & Foster, E. E. (2008). Start today or the very last day? The relationships among self-compassion, motivation, and procrastination. American Journal of Psychological Research, 4, 37– 44.
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